#ChallengeAZ (2019) – A comme l’Assassinat de La Crau

Extrait du cadastre napoléonien de La Crau, section L1, dite de la Moutonne

Sophie Mélanie Henriette Artaud (sosa 53) est née le 10/06/1831 à Toulon de Jean Gaspard Artaud, armurier originaire de Gap et de Marie Zoë Sophie Audiffren, originaire du Castellet. Sa mère décède avant que la petite Sophie n’atteigne ses 8 ans.

A 19 ans elle épouse Victor Hilarion Pument, maçon hyérois, qui lui donne 11 enfants nés entre 1851 et 1872, ce qui représente 21 années laborieuses à enchaîner les grossesses, d’autant que 7 d’entre eux n’atteindront pas leurs 10 ans.

A 22 ans son père décède alors que Sophie a accouché il y a peu de son deuxième enfant, Marie Joséphine, qui décèdera à son tour 6 mois plus tard.

Trois mois et demi après avoir soufflé ses 43 bougies, le 29/10/1874, son mari meurt, la laissant seule pour s’occuper de ses quatre enfants, âgés respectivement de 17 ans (Marie Thérèse), 15 ans (Joseph Augustin), 10 ans (Laurent Désiré) et 2 ans (Joséphine Andreline).

C’est dans ce contexte rude que Sophie se rapproche progressivement de son oncle Joseph Maximin, dit Maximin et de sa tante Marie Thérèse Stazie, dite Anastasie respectivement frère et soeur de sa mère. En 1899, alors que Sophie est âgée de 68 ans, elle vit avec son oncle et sa tante à La Crau, dans une bastide située « entre la Pièce de Toile et Saint-Augustin, tout à fait à proximité de la route d’Hyères »( La Lanterne du 17/03/1900 ).

A une semaine des festivités de Noël, le 18/12/1899, Marie Thérèse Bernard née Pument, 42 ans, l’aînée, souhaite rendre visite à sa maman, à sa grande-tante et à son grand-oncle. Elle n’aurait jamais pu s’imaginer le spectacle effroyable auquel elle allait assister en poussant la porte de cette bastide isolée ce matin-là aux alentours de neuf heures du matin.

D’après La Lanterne du 17/03/1900 « dans la pièce du rez-de-chaussée servant de salle à manger gisaient deux cadavres horribles à voir ». Il s’agissait tout d’abord d’Anastasie Audiffren, gisant à droite de la porte d’entrée. La « veuve Pument », quant à elle, se trouvait à côté de la fenêtre « une corde serrée autour du cou et l’auriculaire de la main gauche coupé ». Le troisième, Maximin Audiffren a été retrouvé dans « le cellier sur le derrière de l’habitation ». Le grand-oncle et la grande-tante ont tous deux subi le même forfait : la gorge tranchée.

L’affaire fait grand bruit, dépasse le seul cadre des gazettes provençales et s’offre une place de choix dans les tribunes de faits divers parisiennes. Dans la population chacun y va de son hypothèse. Nombreux sont ceux qui constatent les similitudes avec une affaire récente à Sanary-sur-Mer, un double-assassinat commis deux mois plus tôt. Toutefois la barbarie à l’oeuvre à La Crau dépasse toute commune mesure.

Image d’illustration (Image parfalco de Pixabay)

Quel est le mobile du crime? Il pourrait s’agir d’un cambriolage qui a mal tourné, même si l’âge des victimes laisse un doute quant à la nécessité d’employer une telle violence pour leur voler des biens.

Peu de temps après le crime, un marchand de coquillages, un certain Gaudié, surprend la conversation de trois individus échangeant à voix basse sur la place Puget. En entendant des bribes de phrases, il en déduit que le sujet de la conversation est le crime de La Crau.

Les hommes évoquent le larcin commis et le doigt tranché de la « veuve Pument », geste dont l’intérêt fut de récupérer la bague de la malheureuse.

D’après La Justice du 05/01/1900, les trois hommes se reprocheraient d’avoir commis ce crime pour « une bague et cinquante sous ». L’un deux aurait même une tache de sang sur le pantalon.

Image d’illustration (Image parErik Stein de Pixabay)

Parmi ces trois hommes, Gaudié reconnaît un camarade de régiment, et signale les trois personnes à la police, Messieurs Edouard Fourneri, Baptistin-François Cogordon et Marius Lombard , qui, arrêtés le 28/12/1899 pour les deux premiers, et le 01/01/1900 pour le dernier, nient catégoriquement les faits.

Néanmoins, Gaudié perd sa crédibilité lorsqu’il est incarcéré à son tour pour ramassage illégal de coquillages.

En prison, Gaudié croiserait Fourneri, un des trois comparses, qui lui ferait passer le mot suivant : « Mon cher Gaudié, nous avons bien pris la bague et les quarante sous chez les Audiffren ; il est exact que nous avons tenu sur la place Puget le propos que tu as rapporté ; mais comment feras-tu maintenant pour revenir sur ta déposition? ». Ce mot a été saisi sur Gaudié à sa sortie de prison.

En parallèle, un couteau a été saisi au domicile d’un autre compère, Cogordon, arme rouillée mais fraîchement aiguisée dont un poil blanc adhérant encore à une des lames a été constaté.

Image d’illustration (Image pariKLICK de Pixabay)

Pour couronner le tout, les trois détenus ont tenté de s’évader de prison, en vain.

L’affaire semblait dans le sac, tant tous ces éléments paraissaient concorder. Pourtant, deux ans plus tard, la suspicion des trois malfrats est écartée, puisque le nom d’Henri Vidal, serial killer de l’époque, est mis en avant dans Le Stéphanois du 09/01/1902 :

 » L’opinion publique, toujours portée vers l’exagération, accuse maintenant Vidal de tous les crimes qui ensanglantèrent la région et dont les auteurs demeurèrent inconnus. Ainsi, aujourd’hui Vidal serait l’auteur du triple assassinat du Chemin-Long, sur la route de Crau à Hyères. Trois vieillards, les époux Audiffren [NDLR : qui sont en fait frère et soeur] et la veuve Pument, habitant sur cette route une maison de campagne isolée, furent égorgés dans la nuit du 18 décembre 1899, le vol fut le mobile du crime. Les assassins restèrent inconnus. Il paraîtrait que Vidal était à Hyères à cette époque et rôdait dans les alentours. La justice, sous la poussée de la rumeur publique, essaiera, croit-on, de rétablir l’emploi du temps de Vidal à cette date. »

Aucun coupable n’a jamais pu être identifié pour ce triple-assassinat.

15 commentaires

    • Un vrai choc à l’époque de la découverte en effet. Et pas si loin dans les générations, s’agissant de la grand-mère de mon arrière-grand-mère. Ce qui laisse songeur quant à la transmission de ce type d’événement aux générations suivantes et la force des « secrets de famille ». Merci pour votre commentaire!

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