#ChallengeAZ (2019) – S comme Stains ou le retour en région parisienne

Source : Archives familiales

Résumé de l’épisode précédent (cf lettre P) : Albert et Clotilde Beaumont sont issues de familles historiquement installées dans le village de Marquette-en-Ostrevant (Nord). Ils y sont nés et s’y sont mariés. Tous leurs fils y sont nés. Seule leur fille, Marthe est née à Domont en Seine-et-Oise. Après ce court épisode hors de leurs terres, la famille repart à Marquette-en-Ostrevant.

D’emblée j’apporte une précision au résumé précédent. D’après le registre matricule d’Albert Beaumont, celui-ci réside rue Danguigny à Denain au 29/10/1896. Ce n’est qu’au 17/10/1897 que l’adresse mentionnée est à Marquette-en-Ostrevant, corroborée par le recensement réalisé en 1906, attestant que la famille Beaumont habite rue de Bouchain.

En 1911, la famille déménage au 174 rue de Lourches à Denain.

C’est dans cette ville que Marthe fait la connaissance d’Henri Paul Havez et l’épouse le 25/04/1922.

De leur union, naissent trois garçons et une fille : ma grand-mère. Tous les fils naissent à Denain. En revanche -et vous allez avoir une impression de déjà-vu- l’unique fille, 2ème de la fratrie, naît en région parisienne, cette fois-ci à Stains.

Un pèlerinage? Un hommage? Marthe Beaumont aurait-elle reproduit de façon inconsciente ses premières années de vie sur sa fille? En résumé : y a-t-il eu transfert?

Fin de la psychanalyse de comptoir. La raison est, a priori, purement professionnelle, et ne concerne pas directement Marthe. En revanche, il est peut-être envisageable qu’un rapprochement avec la ville-lumière ait été un objectif, comme il a pu l’être lorsque Albert Beaumont décida de travailler dans une briquèterie de Domont. Toutefois, cela n’est que spéculation pour le moment.

Mon enquête débute par une série de photos transmise par mon père pour compléter ma collection familiale. Ces photos ont été prises dans ce qui semble être un jardin, avec dans le fond une maison (cf photo en tête d’article). Sur ces clichés, on reconnaît aisément Albert Beaumont, Clotilde Cachera épouse Beaumont, Marthe Beaumont épouse Havez, Henri Havez et leurs deux enfants d’alors : ma grand-mère et mon grand-oncle, son frère aîné.

D’après les souvenirs de mon père, son grand-père, Henri, serait parti travailler dans un restaurant. D’où cette « nouvelle crise de nomadisme passagère ». Mais d’où vient cette photographie? Etaient-ils toujours à Stains?

Deux éléments me permettent de penser que c’est bien le cas.

Tout d’abord ma grand-mère ne paraît pas excéder les 2 ans, donc nous sommes toujours très proches de sa naissance. Ensuite, le style architectural de la maison en arrière-plan dénote avec les maisons de Denain ou d’un autre village aux alentours.

Rien de factuel dans ces deux éléments, mais si les faits permettent d’avancer, c’est bien l’intuition qui lance le premier pas.

Comment prouve-t-on qu’une famille donnée habitait à un endroit donné à un moment donné? Grâce aux recensements, pardi! Sans plus attendre, je me lance donc la fleur au fusil dans l’épluchage du recensement de Stains de 1931. Mais l’enthousiasme des débuts s’estompe au profit d’une lassitude et d’un strabisme de fatigue. C’est qu’ils étaient nombreux les résidents stanois à cette époque!

Et puis j’ai béni les Archives Départementales de Seine-St-Denis qui ont eu l’excellente idée de mettre en ligne les listes électorales. A partir de ce moment-là je suis allé de découverte en découverte.

J’ai retrouvé Henri Paul Havez dans la liste électorale de Stains de 1929. Il résidait alors au 19 avenue de la Gare et était désigné comme… restaurateur.

Restaurateur! Il n’a donc pas seulement travaillé dans un restaurant : il le tenait.

La seconde surprise constatée dans la liste de 1929 est la présence d’Albert Beaumont, son beau-père, habitant à la même adresse, et exerçant le même métier. Henri travaillait-il donc avec son beau-père?

A observer de plus près la photo, je constate des éléments que je n’avais pas remarqués au premier coup d’oeil. Tout d’abord la tenue d’Henri, très élégant, semble être sa tenue de travail. Et Albert Beaumont est revêtu d’un tablier.

Revenons aux listes électorales. Elles vont m’être précieuses pour déterminer la période durant laquelle la famille Beaumont-Havez a vécu à Stains. Mon bilan est le suivant : Albert et Henri sont inscrits pour les années de 1928 à 1930 comme résidents du 19 avenue la Gare, et pour les années 1931 et 1932 au 73 avenue de la Gare.

Aucune trace concernant les années 1927 et 1933.

En conclusion, l’inscription sur les listes électorales se faisant l’année précédente, la famille Beaumont-Havez a vécu entre 1927 et 1932 à Stains, avec un déménagement du 19 au 73 avenue de la Gare intervenu en cours d’année 1931. Au recensement de 1931, la famille habite effectivement déjà au 73.

Je ne sais pas pour vous, mais lorsque je découvre une adresse d’un de mes ancêtres, qui plus est dans une ville que je ne connais pas, j’ai pris l’habitude d’aller « voir sur place » sur les cartes en ligne. Mais, à mon grand désarroi, l’avenue de la Gare n’existe plus…

Source : boutique.genealogie.com

Je tente de consulter les photos et cartes postales anciennes. Et l’une d’elles m’interpelle. Cette bâtisse isolée ressemble étrangement à celle de l’arrière-plan de mes clichés familiaux. Si cette demeure existe toujours, où est-elle aujourd’hui?

En consultant une ancienne carte de Stains et en la comparant avec une actuelle, je comprends que l’avenue de la Gare est devenue en grande partie l’avenue Aristide Briand. Je me balade donc virtuellement dans cette longue artère de Stains.

Plan de Stains à l’usage des livreurs, début du XXème siècle

Je me rends à la première adresse : au 19, en supposant que la numérotation n’ait pas évolué. Il s’agit désormais d’une pizzeria type restauration rapide. Pourraient-ils avoir habité au-dessus d’un restaurant? De leur restaurant?

Puis je remonte encore l’avenue jusqu’à rechercher le numéro 73. Ce numéro ne correspond pas à une maison actuelle. Il y a désormais un rond-point. J’en fais le tour. Et soudain…

Source : Google Maps

Un restaurant? Tiens donc. Mais dites-moi, ce bâtiment… on jurerait celui de la carte postale ancienne et donc celui en arrière-plan des photos familiales.

Le toît, les fenêtres, la façade : tout correspond. Je tourne virtuellement autour d’elle jusqu’à ce que l’angle de vue correponde exactement à celui de la photo. J’en suis désormais certain : c’est la même bâtisse.

Source : Google Maps

En conséquence, je comprends que le jardin depuis lequel la photo a été prise n’existe plus et que la route y passe désormais.

Mais alors donc, disais-je, c’est un restaurant. Pourrait-ce être LE restaurant? Au moment même où je me posais la question, Gabriel Galvez-Behar indiquait une astuce d’importance sur son compte twitter.

J’ai donc cherché deux choses sur cette source merveilleuse : l’achat du restaurant en 1927 et un événement quelconque en 1932 pouvant expliquer un retour au pays.

Vous ai-je dit que cette source était merveilleuse? Voici mes résultats de recherche.

On apprend donc dans les Archives Commerciales de la France du 29/04/1927 qu’Albert Beaumont et Henri Havez ont acheté conjointement le restaurant à un certain M.Donain le 26/04/1927, que les fonds vendus sont « vins, hôtel et restaurant » et que celui-ci est situé au 19 avenue de la Gare à Stains. Et que cette adresse correspond bien à leur première résidence. La pizzeria actuelle devait donc abriter le restaurant.

Puis, dans les Archives Commerciales de la France du 31/08/1932, un certain M. Quinodoz acquiert le restaurant auprès d’Albert Beaumont uniquement. L’adresse citée est désormais le 73, avenue de la Gare, leur seconde et dernière résidence à Stains. Henri Havez n’est plus cité. On comprend alors qu’il est déjà reparti. Son troisième enfant voit le jour en novembre 1932.

En conclusion, la série de clichés a été réalisée entre 1931 et 1932, la famille Beaumont-Havez ayant fait le choix de poser sur le côté de leur restaurant, qui était également leur résidence.

Il semblerait, de tradition orale, que Marthe Beaumont, pourtant native de la région parisienne, ne se plaisait pas à Stains. La venue au monde prochaine d’un nouvel enfant aurait donc certainement accéléré le retour programmé au pays.

12 commentaires

  1. Superbe enquête !! Bravo pour tout ce travail. Et merci pour la source des Archives Ciales de la France ; je ne connaissais pas et je pense que j’ai de la matière à trouver. Rassure-toi je pense que nous somme beaucoup à aller nous promener sur Google map dès qu’une adresse est identifiée 🙂

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