On la connaît tous cette série. Au départ, l’atmosphère est classique, les personnages sont classiques et évoluent dans des vies classiques. Et puis très vite, un élément perturbateur met le feu aux poudres et on saute de rebondissement en rebondissement jusqu’au dénouement final, qui soulève plus d’interrogations qu’il n’amène de réponses…
Episode 1 – un mariage « classique »
Séraphin THIETARD, en ce 25 juillet 1849, épouse Rosalie Joseph LENGLET. Vous jurerez que vous avez déjà assisté à cette scène? Et pour cause, la mariée n’est autre que l’héroïne de la lettre R. Mais cette fois-ci, ce n’est pas sur les LENGLET que nous allons porter le regard, mais sur la famille de l’époux : les THIETARD.
Car cet acte de mariage, sous son aspect classique, va se révéler être une source d’erreur pour bon nombre de généalogistes qui partagent cet ascendant. Mais je ne vous en dis pas plus : analysons le contenu.
Séraphin THIETARD est le fils de feu Amand Joseph THIETARD, ouvrier mineur et de feue Marie Célestine Joseph LESCALIER. L’officier d’Etat Civil est super sympa : il nous fournit même les dates des actes de décès du père et de la mère.
En revanche, il est évoqué un extrait du jugement du tribunal de première instance de Valenciennes, rendu le 26 mars 1828, « portant rectification des père mère aïeuls et aïeules dudit futur époux ». C’est-à-dire? Cela doit être dû à l’orthographe variable des noms et des prénoms, mais c’est la première fois que je rencontre ce cas. Gardons ça sous le coude pour le moment.
Allons donc consulter nos deux actes de décès cités dans l’acte.
Amand Joseph est nommé Baptiste Amand à son décès? Soit. Il est l’époux de Marie Reine LECAILLEZ, ce qui est confirmé par l’acte de décès de cette dernière, où elle est appelée Marie Reine LESCALIER. Effectivement, les noms et les prénoms varient beaucoup. Je sens que je vais bien m’amuser.
Et je ne crois pas si bien dire.
Dites-moi : et si on consultait l’acte de naissance de Séraphin THIETARD, notre marié du jour, pour voir comment était déclarés ses parents? Alors vous pariez sur quoi pour le père : Amand Joseph ou Baptiste Amand?
Perdu : c’est François Joseph THIETARD son père! Quant à la mère, il s’agit de Marie Reine LECAILLEZ.
Episode 2 : Début des maux de crâne
Après une longue réflexion, je crois que j’ai compris. Le père s’appelait François Joseph mais il est devenu Amand (en lien avec ce jugement du tribunal) et parfois on le présente comme Amand Joseph et d’autres fois comme Baptiste Amand. En effet le jugement a été prononcé en 1828 ce qui est postérieur à la naissance de son fils.
Allons chercher son acte de mariage pour voir comment il s’y nomme et ainsi valider mon hypothèse.
Je le savais ! Il s’appelait bien François Joseph THIETARD lorsqu’il a épousé Marie Reine… pardon Marie Célestine Josephe LECA… LESCALIER. Pas simples ces varations!
Et voilà. Fin du mystère.
Vu que j’y suis, je vais en profiter, si ça ne vous dérange pas, pour reprendre la liste des témoins de ce mariage. Nous avons donc Alexandre Joseph THIETARD, 33 ans, mineur à Bruay et… Baptiste Amand THIETARD, 28 ans, mineur à Bruay?!
Mais comment l’époux peut-il être témoin à son propre mariage sous une autre identité?
Episode 3 : La piste du frère
Allons chercher dans les actes de baptême d’Anzin, lieu de naissance de François Joseph et de Baptiste Amand.
Voici les deux actes retrouvés :
François Joseph, qui deviendra plus tard Amand Joseph, avait donc un frère nommé Amand Joseph, né deux ans après lui. Etrange.
Cet Amand Joseph initial a donc dû devenir Baptiste Amand par la suite. Et l’officier d’Etat Civil du mariage de Séraphin THIETARD en tout début d’article a donc dû s’emmêler les pinceaux lors de la mention de la date de l’acte de décès et citer celle de Baptiste Amand au lieu de celle d’Amand Joseph/François Joseph… Vous suivez?
Essayons d’en apprendre un peu plus sur ce Baptiste Amand THIETARD. S’est-il marié?
Consultons pour ce faire les tables décennales de Bruay. Et plus particulièrment la période 1803-1812 :
Oh mon Dieu… Je comprends mieux la confusion de l’officier d’état civil… Baptiste Amand THIETARD épouse Marie Reine LECAILLEZ en 1804 quand François Joseph THIETARD épouse Marie Célestine Josephe LECAILLE en 1807…
Ces deux noms (Marie Reine Josephe et Marie Célestine Josephe)que je pensais être des variantes d’appellation d’une même personne pourraient-ils désigner en réalité… deux soeurs?
Episode 4 : Quand deux frères épousent deux soeurs
Effectivement. En recherchant dans les actes de baptême de Bruay-sur-l’Escaut, on retrouve bien deux soeurs nées à un an d’intervalle environ.
En résumé : deux frères nés à 2 ans d’intervalle à Anzin épousent deux soeurs nées à un an d’intervalle à Bruay. En 1828, celui des deux frères qui fut mon SOSA 172, François Joseph, décide pour une raison qui m’échappe encore de se faire appeler Amand Joseph. Et ce fut le début de tout ce micmac.
Epilogue
En retrouvant l’acte de décès d’Amand Joseph, j’ai pu obtenir la confirmation de mon résumé précédent.
Mon SOSA 86, Séraphin THIETARD est bien co-déclarant du décès d’Amand Joseph THIETARD survenu le 7 avril 1842 à Bruay, qui était donc bien François Joseph THIETARD, son père.
Là où on peut constater qu’Amand Joseph/François Joseph n’a cherché qu’à nous embrouiller dans toute cette histoire, c’est qu’il a trouvé le moyen de nommer l’autre co-déclarant, frère de Séraphin, Amand Joseph…
Pour terminer, vu qu’Amand Joseph/François Joseph est déclaré veuf de Marie Célestine Joseph LESCALIER, nous clôturerons cette série avec l’acte de décès de cette dernière. Remontons pour cela quelque peu dans le temps, soit cinq ans plus tôt, en 1837.
Cet acte ne fait que confirmer ce que nous déjà appris.
Marie Célestine Josephe LESCALIER avait 60 ans et demi le 19 avril 1837, jour de son décès, décès qui a été constaté par les comparants suivants :
- par Amand Joseph THIETARD, 56 ans, son époux (ce qui ne nous surprend plus)
- et par… non… c’est une blague? François Joseph THIETARD, 58 ans, son beau-frère par alliance…
Mais… mais… il y a donc toujours eu un François Joseph THIETARD et un Amand Joseph THIETARD qui vivaient côte à côte?
[Bruits de cheveux qui s’arrachent]
Je n’ai plus le choix. Il va me falloir consulter le jugement du tribunal de première instance de Valenciennes, rendu le 26 mars 1828, pour en apprendre plus sur ce changement de prénoms…
Prêts pour une saison 2?
[A SUIVRE]
Aïeux sur le plat 
Ça me paraît nécessaire en effet… Quelle embrouille!
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Et là vous vous dites « Aie mes aieux » ! quelle embrouille.
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[…] La lettre T : pas le choix, il me faut accéder à ce jugement du tribunal de première instance de Valenciennes, rendu le 26 mars 1828 pour comprendre le contexte exact de ces changements de prénom. […]
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