#ChallengeAZ (2019) – W comme Wagons vers la nuit et le brouillard

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Que s’est-il passé, René?

Lorsque tu vois le jour en 1913 à Emerchicourt dans le Nord, rien ne te destinait à une telle tragédie.

Devenu mineur, tu fais la rencontre de Rosa dans les années 30. Malgré ses 20 ans à peine, elle est déjà la mère d’un petit garçon conçu dans le pêché. Votre mariage se déroule le 21/07/1934 à Aniche et tu en profiteras pour le reconnaître.

En 1935 tu pars faire ton service militaire à Soissons. Pendant cette période naît ta première fille. A ton retour, vous emmenagez à Erchin, berceau de ta famille, dans le hameau de Sébastopol. C’est là que ta seconde fille Adélaïde voit le jour.

Puis en 1940, la famille emménage à Pecquencourt, dans la Cité Barrois, où Rosa accouche de René, ton fils. Tu ne le sais pas encore mais ce sera ton dernier logement avant de vivre une vie de captivité et d’esclave.

Lorsque la guerre éclate, tu te rapproches des mouvements de résistance et rejoins le Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France à sa création en 1941 par le Parti Communiste Français.

Dossier de résistant – Source : SHD – GR16 P 447360
Dossier de résistant – Source : SHD – GR16 P 447360

Le petit dernier n’a pas deux mois, lorsque tu es déporté à Louvain le 19/03/1942. Puis vient l’emprisonnement à Aachen, purgatoire avant l’enfer.

Dossier de résistant – Source : SHD – GR16 P 447360

Ils sont plusieurs centaines à devoir s’entasser dans ce train qui est dans un sale état; la promiscuité, la fatigue, les tensions entre personnes qui s’opposent augurent d’un voyage pénible. Chaque parole échangée peut déclencher de vives réactions, voire des bagarres. (Christian Buiron, Nuit et Brouillard à Mauthausen)

Mauthausen. Terminus sur la ligne de l’horreur et de l’inhumanité. Seul camp classé en catégorie 3 par Heydrich, destiné aux ennemis irrécupérables du Reich. Y être transféré équivaut à une peine de mort.

Dévêtissement, récurrage, désinfection, enregistrement et immatriculation. Il reçoit deux sandales, une chemise et un caleçon à petites raies violettes et blanches. Un triangle rouge et une bande de tissu où figure son matricule […] sont cousus sur le côté gauche de sa veste. La lettre F imprimée sur le triangle indique sa nationalité française. (Christian Buiron, Nuit et Brouillard à Mauthausen)

Tu finis par être transféré à Güsen, camp dans le camp, dans un kommando de travail.

La vie y est rude, très rude. Chaque jour il faut travailler à la carrière, enchaîner des tâches abrutissantes avec des moyens dérisoires. Casser des grosses pierres en gravats puis en cailloux. Et sans cesse recommencer, sous les cris et les coups des SS.

Un seul objectif à tout cela, faire de toi un « Stück » comme ils disent. Un morceau de rien. Plus rien du tout. Tout cela conditionné par la faim et des conditions d’hygiène abominables.

Plus loin, il y a la menace du Château Hartheim, le bâtiment C, où les plus faibles sont conduits et ressortent inertes, anéantis par le gaz. Et si ce n’est pas le gaz qui tue, c’est le travail, les injections de poison ou même les épidémies, comme le typhus, qui a décimé beaucoup de prisonniers comme de gardes SS.

Ici tout conduit à la mort, qui rôde entre les barraquements, avant de frapper au hasard. La dernière étape fatale du plan NN : Nacht und Nebel. (Nuit et Brouillard)

L’Opération NN (Nacht und Nebel) […] permet la déportation de tous les ennemis ou opposants du Troisième Reich. Toutes les personnes représentant un danger pour la sécurité de l’Allemagne […] doivent disparaître sans laisser la moindre trace. (Christian Buiron, Nuit et Brouillard à Mauthausen)

Le soir, l’appel des prisonniers est interminable et l’occasion de nouvelles violences, surtout à l’encontre de ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas y participer.

Dossier de résistant – Source : SHD – GR16 P 447360

René, tu a disparu le 22/11/1942.

L’opération Nuit et Brouillard fut doublement un échec. Car cet article prouve que tu n’as pas sombré dans l’oubli. Et ensuite car je porte fièrement le nom que tu m’as transmis.

Dossier de résistant – Source : SHD – GR16 P 447360

Retranscription de l’Attestation ci-dessus : […] Monsieur NOTTEZ René décédé à Güsen (Autriche) en déportation, est entré dans l’Organisation de Résistance secteur 3, section 9 en septembre 1940. / A fait la propagande de l’Organisation contre l’ennemi : diffusion de tracts et journaux clandestins, le collage d’affiches, a fait des inscriptions murailles et la souscription de fonds de propagande et de solidarité/ A effectué la détérioration de l’outillage et du matériel de manutention, au fond de la fosse Barrois dans le but de nuire à la production de guerre de l’ennemi. / A pris une part active aux puits Limay, Barrois et Bonnel, dans le déclenchement de la grève des Mineurs du Nord et du Pas-de-Calais Mai-juin 1941 effectuant pendant une semaine nuits et jours la diffusion de tracts. / Pris part au sectionnement de la ligne téléphonique sur le cours de la Scarpe la nuit du 12 au 13 juillet 1941, ligne reliant Douai à Valenciennes. / A été très actif la nuit du 13 au 14 juillet 1941, à l’occasion du pavoisage de la Cité Minière de Pecquencourt, par le lancement dans les lignes de force et dans les lignes téléphoniques de multitude de petits drapeaux aux couleurs Alliées. Ainsi qu’à l’occasion des manifestations patriotiques du 14 juillet 1941 pour le dépôt de gerbes au Monument aux Morts et au cimetière communal. / A été arrêté le 31 octobre 1941 par la Gestapo en raison de son activité clandestine et interné à la prison du Cuinay (Douai). Fut ensuite (Janvier 1942) transféré à Lille, puis Mars 1942 transféré à Louvain Belgique. Fut déporté au Camp de Mauthausen et est décédé des mauvais traitements subis à Güsen le 21 novembre 1942. […]

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